Jean-Marie Lassus - Villes et migrations dans Le voyageur au tapis magique (1991) de Walter Garib ; une saga palestinienne à travers l'Amérique du Sud

Issue de l’exode consécutif aux crises économiques, politiques et religieuses de l’Empire Ottoman, l’immigration arabe en Amérique latine toucha notamment les populations libanaises, palestiniennes et syriennes entre 1860 et 1914, et devait atteindre son apogée durant la décennie qui précéda la Première Guerre mondiale. La production littéraire et scientifique engendrée par ce phénomène a donné lieu à différents travaux qui révèlent l’originalité de cette diaspora à travers les villes du continent latino-américain, mais aussi ses mythes, ses rêves et ses réalités. Le voyageur au tapis magique (1991) roman de l’écrivain chilien d’origine palestinienne Walter Garib (1933), rend compte de la complexité de ce mouvement et de sa représentation poétique en retraçant la saga des Magdalani, famille palestinienne émigrée au Chili dont certains membres rêvent d’une nouvelle généalogie. Le voyageur au tapis magique s’ouvre sur l’évocation d’un fait réel faisant partie de la tradition orale à Santiago du Chili, et que Walter Garib intègre dans sa fiction romanesque: le saccage par la jeune aristocratie chilienne de la capitale, jalouse de sa prospérité, de la riche demeure d’une famille arabe voulant célébrer l’entrée dans la vie mondaine de ses filles. Cet épisode révèle l’échec d’un rêve –l’intégration d’une famille palestinienne dans l’aristocratie de la capitale chilienne comme une consécration urbaine mythique. Il pose la question identitaire comme l’un des fondements du roman, avant de revenir à l’histoire de la famille Magdalani à travers l’évocation kaléidoscopique de plusieurs villes du Chili, du Brésil, du Paraguay et de la Bolivie, qui ont jalonné son parcours migratoire. Le mythe du tapis volant permet ainsi à l’auteur de construire une hétérotopie symbolique (Michel Foucault) qui s’accompagne d’une description microscopique de la vie des quartiers urbains et de l’histoire nationale latino-américaine depuis le XIXème siècle. Entre ces différentes polarités s’élabore la représentation littéraire d’un peuple riche de ses mythes et de ses pratiques malgré la nation absente.

Présentation de l'intervenant

Jean-Marie Lassus est professeur d’Université en Etudes latino-américaines, directeur du département d’Etudes hispaniques à l’Université de Nantes et référent nantais du pôle Ouest de l’Institut des Amériques. Sa recherche porte sur les écritures littéraires de l’Histoire et les représentations de l’imaginaire en  Amérique latine. Elle s’intéresse également aux formes de récits biographiques et autobiographiques et aux productions liées aux phénomènes migratoires de l’espace Atlantique.

Présentation du colloque "Mythologies urbaines et migrations"

La ville génère un ensemble de mythes artistiques et littéraires issus de son histoire et de son quotidien, de légendes et de récits oraux mêlant réalité et fiction. Création propre à l’homme, la ville se présente comme une construction réelle et imaginaire, à travers laquelle une communauté recherche sa cohésion et ses possibilités créatrices (correspondances, récits de vie, poésie, théâtre, cinéma…). Organisé par le Centre de Recherche sur les Identités Nationales et l’Interculturalité (CRINI), le colloque sur "Mythologies urbaines et migrations" s’inscrit dans le cadre d’une réflexion sur les migrations portant à la fois sur l’interculturalité - en s’attachant  à la rencontre et à la reconnaissance de cultures plurielles-, et sur la transculturalité - en privilégiant l’échange et la création entre ces cultures-, dans une dynamique créatrice cherchant à dépasser les barrières culturelles, tout en questionnant l’histoire des représentations urbaines.

Ce colloque s'inscrit dans la continuité de journées d’étude préparatoires dans le cadre des partenariats locaux et internationaux du CRINI :

• Journée d'Etude "La Ville : pouvoirs, marges, exils"
• Journée d'Etude "Entre histoire et littérature, migrations et mythes urbains" à l'Université de Puebla, Mexique
• Séminaire "Les Villes littéraires : Alberto Ruy Sánchez et Mogador, l’inaccessible"