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Si vous estimez connaître assez du conflit israélo-palestinien pour en nourrir des opinions définitives, mieux vaut ne pas ouvrir ce livre. Vous risqueriez d’y apprendre que le sionisme fut très longtemps chrétien avant que d’être juif. Et que l’évangélisme anglo-saxon explique beaucoup plus qu’un fantasmatique « lobby juif » le soutien déterminant de la Grande-Bretagne, puis des Etats-Unis à la colonisation de la Palestine. Vous pourriez aussi découvrir que la soi-disant « solidarité arabe » avec la Palestine a justifié les rivalités entre régimes pour accaparer cette cause symbolique, quitte à massacrer les Palestiniens qui résistaient à de telles manœuvres. Ou que la dynamique factionnelle a, dès l’origine, miné et affaibli le nationalisme palestinien, culminant avec la polarisation actuelle entre le Fatah de Ramallah et le Hamas de Gaza.
La persistance de l’injustice faite au peuple palestinien n’a pas peu contribué à l’ensauvagement du monde actuel, à la militarisation des relations internationales et au naufrage de l’ONU, paralysée par Washington au profit d’Israël durant des décennies, bien avant de l’être par Moscou sur la Syrie, puis sur l’Ukraine. L’illusion qu’un tel déni pouvait perdurer indéfiniment a volé en éclat dans l’horreur de la confrontation actuelle, d’autant plus tragique qu’aucune solution militaire ne peut être apportée au défi de deux peuples vivant ensemble sur la même terre. Comprendre comment la Palestine fut perdue, et pourquoi Israël n’a pourtant pas gagné, participe dès lors d’une réflexion ouverte sur l’impératif d’une paix enfin durable au Moyen-Orient et, donc, sur le devenir de ce nouveau millénaire.
Jean-Pierre Filiu "Comment la Palestine fut perdue/Et pourquoi Israël n'a pas gagné - Histoire d'un conflit XIX-XXIème siècle" aux éditions Seuil.
Jean-Pierre Filiu est professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po, Paris, où il enseigne un cours d’introduction à la question palestinienne. Il a aussi été professeur invité dans les universités de Columbia (New York) et de Georgetown (Washington). Depuis 1980, il séjourne régulièrement en Israël et dans les territoires palestiniens. Il est l’auteur, entre autres ouvrages, de « Mitterrand et la Palestine » (Fayard, 2005), d’« Histoire de Gaza » (Fayard, 2012) et de « Main basse sur Israël » (La Découverte, 2019). Sa chronique hebdomadaire « Un si proche Orient », publiée depuis 2015 sur le site du « Monde », a déjà attiré des millions de lecteurs.
Animation : Ulrich Huygevelde, coordinateur du centre Géopolis (Bruxelles) et de l'antenne bruxelloise d'Euradio. Rencontre organisée dans le cadre du cycle géopolitique de l'Université Permanente.