"L’expérience esthétique, dans nos sociétés, relève d’un domaine distinct. Elle a ses lieux - les musées, les galeries -, ses heures – le dimanche après-midi, les vacances –, ses objets - tableaux, statues -, qui diffèrent du restant de la production matérielle en ce qu’ils ne répondent à aucune nécessité pratique. Mais, entre mille choses qu’il aurait mieux valu ne jamais savoir, le XXe siècle nous a appris la relativité de tout, celle de l’espace et du temps, des cultures, de cette donnée de l’expérience qu’est le beau. Ce que nous percevons comme tel ne tient pas tant à l’objet qu’à la perception que nous en avons et celle-ci, à son tour, est régie par des rapports de force qui orientent et fixent les rapports de sens. C’est le regard qui crée l’objet. On peut hésiter à porter une main sacrilège sur ces vestiges de nos vies antérieures. A ce trouble, il est un remède énergique. Il suffit de faire un tour sur les casses, qui sont le répondant à la production de masse, le pôle de destruction vers lequel tout produit s’achemine lorsqu’il contient du métal. Elles offrent un panorama complet de la civilisation technique des dernières décennies. Les réalisations artistiques n’épuisent pas notre capacité d’émotion esthétique. Des préoccupations toutes matérielles, des actes strictement techniques engendrent, comme par raccroc, des formes séduisantes. On a tout dit des défauts du fer. Il est rare que le minerai ne soit pas mêlé d’impuretés qui rendent le métal aigre, cassant, impropre à tout usage. Le fer est affreusement lourd. Enfin, son affinité avec l’oxygène complique sa mise en œuvre. La rouille est d’abord peintre puis, le temps aidant, graveur. Elle burine, creuse, ajoure le métal, l’allège, le brode de motifs aussi délicats qu’imprévisibles et ce sont, là encore, de ces enchantements objectifs qu’il ne tient qu’à nous de voir, de fixer."

Présentation de l'intervenant

Pierre Bergounioux est un écrivain français, sculpteur. Son œuvre abondante, d'inspiration autobiographique, se lit comme un seul grand livre, reprenant sans cesse les mêmes motifs pour patiemment cerner l'unique objet de ses préoccupations : celui de l'existence soumise à l'inlassable travail du temps. Marquée par Faulkner et les profonds bouleversements que l'écrivain américain introduisit dans l'écriture romanesque, elle a été rapprochée de celles de Claude Simon et de Pierre Michon. Pierre Bergounioux pratique aussi les arts plastiques comme sculpteur ; prenant son matériau chez un ferrailleur corrézien, il intervient peu sur les objets de récupération qu'il soude et patine. Du fait de sa double activité créatrice, Bergounioux peut être considéré comme un littérartiste, selon Elsa-Flore Christophe. Jean-Paul Michel, avec qui il est ami depuis qu'ils étudiaient tous deux au lycée de Brive-la-Gaillarde, lui a consacré un de ses livres, La deuxième fois, Pierre Bergounioux sculpteur (William Blake & Co. Ed., Bordeaux). En 2013, Henry Colomer lui a consacré un film intitulé Vies métalliques et sous-titré Rencontres avec Pierre Bergounioux.

Les conférences de l’Université permanente de Nantes

L’Université de Nantes a confié à l’Université Permanente la mission de permettre à tous de se cultiver, d’apprendre en étant un pont entre l’établissement, ses enseignants, ses chercheurs et tous les citoyens. Tout au long de l’année, l’Université permanente de Nantes organise donc à Nantes, et dans toutes ses antennes (Pornic, Saint-Brévin, Chateaubriant…), des cycles de conférence grand public ouverts à tous. Chaque année, près de 300 conférences sont organisées couvrant un éventail très large de disciplines : littérature, philosophie, sociologie, langues anciennes, histoire, histoire de l’art, cinéma et théâtre, géographie, monde et territoires, droit et société, sciences, langues étrangères…